Dans une petite bourgade au sud de la Chine, Xiao Zhang, chauffeur d’un mafieux du coin, dérobe à son patron un gros sac de billets. Il rêve de pouvoir emmener sa fiancée en Corée du Sud afin de réparer son opération de chirurgie esthétique ratée. Mais une fois la nouvelle répandue, c’est tout le village qui se met à la poursuite du voleur et de son million de yuans D’une chambre d’hôtel lugubre à un cyber-café, en passant par l’arrière d’un van rouge, le sac, finalement véritable personnage central du film, fait voyager au cœur d’une Chine profondément dépressive.

Censuré par le gouvernement chinois au dernier festival du film d’Annecy, le deuxième long métrage d’animation de Liu Jian dépeint le quotidien d’un prolétariat avide de liberté. Mais de vraie liberté : celle d’aller dans un magasin et de pouvoir tout acheter sans regarder les prix, explique l’un des personnages. La quête du magot dérobé au début devient le symbole d’une classe sociale aux abois, prête à commettre tous les délits pour quelques milliers d’euros.

Agrémenté d’une musique pop locale, Have a nice day sublime le gris d’un village pluvieux bordé d’autoroutes, parfait décor à cette comédie noire aux notes fantastiques. Liu Jian emploie un dessin qui surprend par sa simplicité, à l’image de l’ambiance cartoon qui règne dans la narration : les personnages se relèvent toujours, même après avoir encaissé une sommité de coups mortels. Pourtant, le film parvient à s’inscrire dans un profond réalisme. Incrustant des références à ce qui dérange (le discours de Donald Trump, le Brexit, la sollicitation incessante à la consommation), l’animateur chinois fait de son récit aux apparences purement divertissantes, parfois proches du jeu vidéo, le compte rendu de préoccupations contemporaines.

S.D