[[Personne:21442 Nicolas Klotz]] et [[Personne:42589 Élisabeth Perceval]] aiment les gens, tous les gens. Ils ne filment pas ce qu’ils voient mais ce qu’ils ressentent et le montrent par leur cinéma. Ils ont fait le pari que donner de leur temps pour filmer favoriserait l’empathie envers les habitants de la jungle de Calais. Pari gagné, car le spectateur en donnant un peu de son temps en regardant L’Héroïque Lande apprend, comprend et partage un peu plus d’humanité. Ce film n’est pas un documentaire démonstratif qui voudrait exposer d’une façon plus ou moins exhaustive et « objective » ce qu’il s’est passé à Calais. Non, c’est un film impressionniste où le feu tient une grande place, feu réconfortant protégeant la communauté du froid de l’hiver ou au contraire destructeur, menaçant, réduisant en flammes les refuges.

Dans cet hiver 2016 (les images ont été prises entre janvier 2016 et février 2017) c’est autour des brasiers que se font la plupart des discussions au cours de laquelle s’échangent les propos des migrants de la jungle de Calais. Ici pas de voix off, pas de leçons, juste des témoignages.

Et malgré des conditions difficiles de tournage, les réalisateurs assurent toujours un cadre toujours signifiant et un travail constant sur la lumière.

Certains pourraient avoir quelques réticences à entrer dans une salle de cinéma sachant qu’ils ne pourront en sortir que 3h40 plus tard. Je voudrais lever ici cette inquiétude. En effet le film nous fait partager des témoignages de migrants, sans pathos (même s’il y a des moments durs, en particulier les témoignages sur la répression policière et les récits traumatiques des passages de migrants en Libye), comme si l’on demandait à des amis que l’on n’avait pas vus de longue date ce qu’ils étaient devenus.

Nous suivons donc en particulier le couple formé par Dawitt et Almaz auquel on s’attache volontiers, partageant ses inquiétudes, ses souvenirs, ses disputes, ses joies et beaucoup d’espérance. N’oublions pas non plus Khan le boulanger dont les images sur la fabrication de ses nans donnent l’eau à la bouche.

Deux choses de ces discussions sont particulièrement frappantes :

La première c’est la volonté sans faille de toutes ces personnes de passer en Angleterre. Ce n’est pour eux qu’une question de temps. Ils essayent et au bout de 1, 2, 6 mois cela finit par marcher. Vouloir ériger des barrières, des contrôles et autres obstacles est parfaitement inutile.

La deuxième c’est qu’ils n’ont pas le choix. Ils ont été chassés de chez eux. Le raisonnement tenu qu’en leur menant la vie dure on va les dissuader de venir est parfaitement ridicule. La vie dure est dans leur pays où ils risquent la mort. Vivre dans de mauvaises conditions n’est pas agréable mais c’est néanmoins vivre. La dernière séquence de toute beauté du danseur sur la plage est à mes yeux métaphorique de ce constat de vie.

En regardant le film je n’ai pu m’empêcher d’effectuer une comparaison avec [[Film:860 Ta’ ang un peuple en exil entre Chine et Birmanie]] de [[Personne:7546 Wang Bing]]. Certaines scènes se ressemblent beaucoup. Construction d’abris, rassemblement autour du feu, conversations au téléphone. La différence c’est que Calais est en France. Ces souffrances ne se déroulent plus à 8.000 km. Honte à nous qui ne savons pas accueillir dignement ces êtres humains.

L.S.

PS : Pour ceux qui ne l’auraient pas vu, je vous conseille également L’ordre des choses, un film édifiant sur la politique européenne en Libye.