Dalton Trumbo est le biopic du scénariste hollywoodien éponyme, persécuté sous le maccarthysme en raison de ses idées communistes. Nous sommes donc plongés dans le Los Angeles de la fin des années cinquante, où l'on visionne des actualités aux forts accents de propagande anti-soviétique et où « communiste » commence à être un gros mot qui attire l'opprobre publique. Sous les yeux de Niki, sa fille aînée en âge de se forger une conscience, Dalton Trumbo ne renie pas ses convictions, continue avec d'autres scénaristes et producteurs engagés à appeler à manifester pour obtenir de meilleures conditions de travail pour les petites fourmis sans lesquelles l'industrie cinématographique n'existerait pas. Face à lui, l'infernale journaliste Hedda Hopper, fer-de-lance de la Commission des Activités Anti-Américaines, interprétée avec toute la sécheresse qui convient par Helen Mirren. A ses côtés, Arlen Hird, l'ami et collègue issu d'un milieu social plus défavorisé que lui, qui sait le mettre face à ses contradictions : « Tu parles comme un radical, mais tu vis comme un riche ». En 1947, les « Dix d'Hollywood » sont condamnés pour outrage aux Etats-Unis et constituent une liste noire que Trumbo n'aura de cesse d'effacer en continuant à écrire et à faire écrire ses camarades censurés sous pseudonyme. Alors que les trahisons opportunistes se multiplient, il purge une peine de travaux forcés puis met sa santé à rude épreuve en écrivant à la chaîne des comédies commerciales pour les seuls producteurs qui veulent encore l'employer, des rustres qui se soucient de sexe et d'argent mais guère de politique. Lorsque Trumbo, que l'épuisement et la came isolent de plus en plus, oublie l'anniversaire de sa fille, c'est sa vie familiale qu'il met en péril. C'est que Niki, campée avec une intensité impressionnante par Elle Fanning, s'est construite sur le modèle de son père rebelle et refuse de se laisser tyranniser. La rédemption arrivera en la personne de Kirk Douglas, qui offre à Trumbo l'occasion de sublimer sa propre histoire en écrivant celle de Spartacus, « un homme qui a résisté contre tous, un simple esclave ». Le film est finalement un bel hommage à tous les intellectuels communistes qui jusqu'en 1975 furent confrontés au chômage, au mépris, au divorce, au suicide, parce qu'ils préféraient les orages de la liberté au confort de la servitude. A travers le personnage de Niki, c'est aussi le portrait émouvant d'une transmission réussie.

F.L.