C’est l’histoire d’un jeune homme sans le sou mais au physique avantageux (Gaspard Ulliel), qui se prostitue pour vivre jusqu’au jour où l’un de ses clients à l’agonie lui laisse entre les mains une pièce de théâtre valant de l’or. Se faisant passer pour l’auteur, il séduit le public parisien et le personnage joué par Julia Roy (révélation du précédent film du réalisateur, A jamais), voluptueuse fille d’un éditeur (Richard Berry). Sa position devient de plus en plus délicate lorsqu’il n’arrive pas à écrire une nouvelle pièce à la hauteur de la précédente. Alors, lorsque le hasard lui fait croiser la route de la mystérieuse Eva (Isabelle Huppert), qui arrive à faire des hommes ses jouets grâce au rôle d’épouse délaissée d’ambassadeur qu’elle joue à la perfection, il est troublé par l’effet-miroir qu’elle lui renvoie. Le jeune imposteur fasciné se met alors en tête de battre la vétérane à son propre jeu.

   La présence d’Isabelle Huppert, peu de temps après sa prestation magistrale dans Elle, pourrait faire penser à certains que Benoit Jacquot essaie ici de nous vendre du sous-Verhoven. La thématique de l’imposture spéculaire pourrait quant à elle faire penser à l’éclatant Amant double de François Ozon. Adaptation d’un roman de Série noire de James Hadley Chase, Eva a effectivement des allures de patchwork, oscillant constamment entre le polar et le drame psychologique, et semble avoir de la peine à trouver sa direction – et surtout sa conclusion – propre. D’un autre point de vue, c’est justement le caractère chimérique de ce dernier cru étonnant de Benoit Jacquot, comme de ses personnages, qui fait son charme. L’alchimie Ulliel-Huppert fait le reste. La fidèle complice du réalisateur dit d’ailleurs fortuitement de son partenaire ce qu’on pourrait dire d’elle-même : « Gaspard est un acteur tout à fait singulier, opaque et fragile, d’une sorte d’opacité qui opère comme une menace et dans le même temps quelque chose qui résiste et qui est prêt à s’effondrer. » Malgré la différence d’âge, on croit à leur jeu de séduction tant ils se renvoient dans un miroir à peine déformant, elle la fille au masculin, lui le garçon au féminin, leur part de mystère inaccessible à l’empreinte du temps.

F.L.