Membre du jury du Festival de Cannes, j’aurai donné sans hésitation la palme d’or pour 120 battements par minutes, le film de Robin Campillo. C’est dire que son grand prix est largement mérité.
Tous les ingrédients sont là pour faire de ce film une réussite.
D’abord le sujet qui retrace le parcours d’une juste lutte. Pour ceux qui ont vécu cette période, on pouvait penser à l’époque que l’humanité allait s’éteindre, terrassée par le virus du sida. La médecine était impuissante à nommer et à soigner cette épidémie et les pouvoirs publics avaient cassé le thermomètre plutôt qu’investi dans la recherche de soins. Une politique de l’autruche s’était instaurée, incapable de rassurer ceux qui cherchaient à s’informer.
Alors pendant longtemps les attitudes oscillaient entre le déni ou pire, l’ostracisme. « C’est une maladie qui ne touche que les PD » pouvait-on entendre ici où là (sous-entendu quand il n’y aura plus d’homosexuels, la maladie s’éteindra d’elle-même). Il a fallu les actions d’Act-Up, les alertes venant des milieux scientifiques et un virus qui commence à tuer les hétérosexuels, pour que certains décideurs (responsables, mais pas coupables) prennent enfin des mesures prophylactiques sérieuses (préservatif…) et investissent dans la recherche.
Au-delà de son sujet, 120 battements par minute est surtout un grand film de cinéma. Robin Camillo faisant preuve d’une grande maestria dans sa gestion des espaces et du temps. Multipliant les lieux d’action, alternant le huis clos (l’amphi où se réunissent les militants, les chambres d’hôpital) et les extérieurs (manifs…), le réalisateur passe avec une grande aisance de la parole cadrée en amphithéâtre, au discours engagé voir explosif en manif.
120 battements par minutes, c’est le c(h)œur des malades, c’est un film à la cadence parfaite, c’est le tempo de la musique, superbement composée par Arnaud Rebotini. Un film jamais larmoyant, où la mort qui rôde est filmée avec beaucoup de pudeur par un réalisateur concerné et talentueux. Sans en révéler plus, il suffit de voir le soin donné aux transitions entre les séquences, souvent bluffantes, pour s‘en convaincre.
« Un film de malades » au sens propre comme au figuré vu le talent de l’équipe du film.
Bref sans conteste le film de la rentrée !

Laurent Schérer