Terence Davies a la sagesse de réaliser un biopic non hagiographique. De la poétesse dont il retrace la vie, il nous dépeint ainsi le pire comme le meilleur. Douce et pimpante dans sa jeunesse, il n’occulte rien de la descente aux Enfers de l’Emily Dickinson de la vieillesse, consciente d’être devenue la vieille rombière jalouse et acariâtre qu’elle s’était jurée de ne jamais devenir. Ne cédant pas à la tentation de filmer longuement la nature pour prendre lui-même une pose alanguie de poète, le réalisateur s’attarde au contraire sur les êtres, que sa caméra saisit d’abord par l’embrasure d’une porte avant de se rapprocher de leur visage pour tenter d’en pénétrer l’intériorité. Si la deuxième partie de son portrait, celui de la chute, est aussi pesante qu’est stimulante la première, pleine de l’ironie mordante de l’humour britannique, le tout forme un portrait complexe, sans fard, d’un être humain aussi génial que faillible.

F.L.