Hooper travaillant avec Spielberg, ou la rencontre entre le cinéaste d’E.T. qui se plaisait à montrer la gentille famille méricaine et le fou furieux du Texas qui filmait les crocs de boucher. Cette rencontre improbable a eu lieu et, une fois encore, le cinéaste texan insuffle toute son ironie, réalisant peut-être le meilleur film produit par Spielberg de ce début des années 80.

Le métrage commence avec l’hymne américain qui résonne de façon stridente sur les images de neige provenant du tube cathodique. Par cette entrée en matière, un tant soit peu caustique, le cinéaste semble nous indiquer que les fantômes du film sont ces millions d’Américains totalement hagards devant une télévision qui leur dicte leur vie. Puis vient un second générique, plus Spielbergien, accompagné par la douce musique de Goldsmith qui accompagne des plans de gamins en VTT et de jolis pavillons de banlieue. Mais une fois encore, Tobe vient pervertir cette belle image en s’attardant sur une bande de gosses qui joue innocemment aux voitures téléguidées. Le spectateur découvrira finalement au plan suivant que le petit groupe préparait un sale coup, faisant chuter un homme de son vélo.

Durant tout le film, Hooper va contaminer de façon subtile le divertissement qu’il est censé signer d’après le scénario de Spielberg. On pense ici à cette terrifiante scène du visage arraché tout droit sortie de sa première réalisation, ou son goût pour les matières visqueuses et les sécrétions qui contrastent avec les effets visuels assez esthétisants qui les accompagne. Mais surtout c’est la structure même du film qu’il soumet à sa volonté.

Après nous avoir montré un désenvoûtement de la maison hantée à coups de jolies animations annonçant les images de synthèse de demain, le film semble se conclure sur une jolie musique et les images d’une famille heureuse.

Commence alors la véritable fin qui s’avère totalement apocalyptique avec ses cadavres putréfiés qui remontent à la surface. Le message est clair, l’American Way of life a été construit par la violence et l’appât du gain dont le père de famille vendeur immobilier est un symbole. Le travelling final sur le miteux motel où s’est réfugié la famille est accompagné par une musique d’une tristesse infinie qui conclut cette critique acerbe des idéaux américains

Poltergeist est donc bien un film d’Hooper qui a toujours su apposer son regard d’auteur aux commandes qu’on lui soumettait. Un chef-d’œuvre tout simplement.

Mad Will