Zama est un drame historique de la réalisatrice argentine Lucrecia Martel déjà deux fois sélectionnée à Cannes pour ses précedents films. C'est un film étrange, parfois indéchiffrable, qui nous plonge dans le même état halluciné et égaré que celui de son protagoniste.

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La critique :

A la fin du XVIIIe siècle, Don Diego de Zama, magistrat espagnol reclus dans une région anonyme de l’Amérique latine, attend sa mutation pour Buenos Aires. Isolé, il est la risée de tous les locaux qu’il tente tant bien que mal de dompter. Les occupations sont rares et le corregidor, perdant patience, il décide de se joindre à une expédition militaire à la recherche d’un bandit qui terrorise la région.

Bien qu’il soit par ses costumes et décors ancré dans une période et un contexte déterminé (celui du colonialisme espagnol en Amérique du Sud), le film ne se veut pas tellement être une fresque historique, mais plutôt le portrait d’un personnage qui sombre dans la folie. Zama porte le « fardeau de l’homme blanc », il est méprisé de tous et s’ennuie terriblement. Sa famille est loin et sa frustration sexuelle ne fait que de s’agrandir à cause de Luciana, l’aristocrate blanche et sensuelle qui s’amuse à le repousser. Alors pour s’occuper, Zama fait régner l’ordre chez les autochtones, en distribuant coups et punitions, contribuant ainsi aux clivages entre blancs et indigènes et à l’asservissement de ces derniers. Les deux mondes sont parfaitement distincts et pourtant doivent cohabiter sur le territoire ainsi qu’à l’image. Pour cela, la cinéaste Lucrecia Martel a recours à une mise en scène remarquable. Nous retrouvons souvent Zama enfermé entre les quatre murs de sa modeste baraque ou dans les salons faussement clinquants de Luciana, qui ouvrent tous deux portes et fenêtres sur le peuple. Ainsi, il se passe une deuxième scène au second plan, où l’on observe les habitudes des natifs du village ou les allers-retours d’un grand lama blanc. Si cette technique parvient à agrandir l’espace, elle n’atténue par pour autant la sensation de confinement du misérable Zama.

On pourrait discerner deux parties dans le film. La première qui dépeint l’ennui du corregidor dans son médiocre petit monde colonial qui fantasme l’Espagne, mais n’a aucun courage pour tenter de la rejoindre et se contente d’exercer son peu d’autorité sur les plus faibles, et une deuxième, bien plus énigmatique, où le magistrat quitte le village pour rejoindre la pampa, lorsque Zama se donne la mission de retrouver le redoutable bandit. Le long des grands fleuves, à travers les champs de hautes herbes, il est à son tour malmené et assiste aux rituels des Guarani, flamboyants et sublimés par Lucrecia Martel, qui fait de ces derniers instants du film une échappée onirique et démente.

Zama est un film étrange, parfois indéchiffrable, qui nous plonge dans le même état halluciné et égaré que celui de son protagoniste. On le quitte tout aussi déboussolé, mais avec le sentiment d’avoir participé à un voyage grandiose.

Suzanne Dureau

La bande-annonce :