Bécassine ! de Bruno Podalydès est une comédie familiale intelligemment drôle, qui réhabilite le personnage caricaturé de la jeune servante, moins bébête qu’elle en a l’air.

 

La critique :

Pardon ? Une adaptation de Bécassine en 2018 ? Encore traumatisés par les Daltons, Spirou et Fantasio et autres Gaston Lagaffe, c’est avec une certaine appréhension qu’on aborde les nouvelles aventures de la bonne bretonne portées à son tour sur grand écran.

Mais avec Bruno Podalydès aux manettes, on est certains de ne pas faire fausse route. Le joyeux luron du cinéma français a su, une fois de plus, bien s’entourer : avec son frère bien sûr, le génial Denis, dans le rôle de Monsieur Proey-Minans, en concubinage non consommé avec la Marquise de Grand Air (l’indémodable Karin Viard), vieille bourgeoise ruinée à qui il reste un semblant d’humanité quand elle recueille la petite Loulotte dans son royaume.

A deux pas de là vit Bécassine. Fille d’agriculteurs, elle grandit modestement mais dans la bonne humeur, grâce à son oncle Corentin (Michel Vuillermoz). Maladroite, simplette, mais très déterminée, Bécassine a des rêves de grandeurs. Pour elle, ça sera Paris ou rien. Sortie de l’adolescence mais toujours dans son costume vert qui fait sa renommée, elle se met en route pour la capitale. Au bout de quelques kilomètres seulement, elle croise la Marquise de Grand Air qui la convainc de devenir la nourrice de Loulotte. La grande ville attendra, car Bécassine excelle en nounou improvisée et se lie d’un amour indéfectible avec sa petite protégée. L’ambiance est plutôt bonne au château, mais l’arrivée du pas très honnête forain Rastaquoueros (dont Bruno Podalydès s’offre le rôle) vient semer le trouble…

Bécassine ! est, comme l’indique le point d’exclamation dans son titre, surprenant. Bécassine ! fait rire, grâce à la finesse de son écriture et à son actrice principale Emeline Bayart. A l’inverse du dessin original de Joseph Pinchon qui n’offrait à la jeune femme que deux points noirs en guise de pupilles et la privait de bouche, Emeline Bayart déborde d’hilarantes mimiques, et ouvre de grands yeux bleus naïfs constamment émerveillés. Son personnage, moins bébête qu’il en a l’air, prouve que la gentillesse et la générosité sont une forme d’intelligence.

Au risque de décevoir les indépendantistes sur la brêche, le film ne présente aucune blague sur les bretons. Il est tourné en grande partie dans l’Orne, et ne porte pas le symbole qu’a pu incarner le personnage autrefois : aucun mépris pour Bécassine, ni pour les autres domestiques du château de la Comtesse (Josiane Balasko, qui prouve qu’elle peut encore faire rire et la rayonnante Isabelle Candelier).

Contrairement au spectacle de marionnettes de Rastaqoueros dont Monsieur Proey-Minant avoue « rire parce que c’est stupide », Bécassine ! est une comédie familiale intelligemment drôle, dont les rayons de bien-pensance font beaucoup de bien.

S.D.