Amour et mafia ne font pas bon ménage. Sicilian Ghost Story est une tragédie shakespearienne dans un écrin éblouissant.

La critique

Le 23 novembre 1993, le fils d’un repenti est enlevé par les sbires d'un chef de la mafia sicilienne, qui espère ainsi obtenir le silence du père dans des affaires judiciaires pour lesquelles lui-même est le principal suspect. Pendant 779 jours, le garçon d’une dizaine d’années est séquestré, sans que son père ne cède jamais à l'effroyable chantage.

Il y a quelques années, l’écrivain Marco Mancassola s’était emparé de ce fait divers sordide et l'avait transformé en récit fantastique. Dans son livre Un cavaliere bianco, l’enfant kidnappé était ainsi devenu une présence surnaturelle protégeant, par-delà les frontières matérielles de sa captivité, son ancienne amoureuse. C’est à partir de cette histoire s’éloignant résolument d’une reconstitution réaliste qui aurait été insoutenable que les réalisateurs Fabio Grassadonia et Antonio Piazza ont bâti le scénario de Sicilian Ghost Story. Cela confère aux personnages et aux lieux des dimensions romanesques démultipliées. Les mères, sans grimage, ressemblent à des sorcières. L’amoureuse (Julia Jedlikowska), a la ténacité invincible des héroïnes de conte. La victime (Gaetano Fernandez), a toutes les apparences de l’ange. Sa geôle a les contours merveilleux d'un bunker lacustre. Quant à ses bourreaux, les réalisateurs leur ont volontairement donné des allures d’ « automates féroces et ridicules » pour souligner leur « idiotie insensée ». Pour alimenter l’aspect surnaturel des lieux, ils ont enfin brillamment exploité l’atmosphère mythologique de leur Sicile natale. Devant les vestiges de temples romains qui s’y découpent sur fond d’azur et dans les forêts dont les branches des arbres ont des circonvolutions druidiques, on comprend que l’âme des adolescents s’emballe. La présence impalpable de la mafia, néanmoins, transforme ce qui aurait pu rester une innocente histoire d’amour à l’idéalisme antique en tragédie shakespearienne.

Finalement, même si Sicilian Ghost Story pâtit de quelques longueurs, il vaut d’être vu par tout spectateur friand des films qui mêlent tragédie romantique, histoire de fantôme et graphisme éblouissant.

F.L.